Et si nous actualisions la chanson d’Yves Montand « A bicyclette »
« Quand on partait de bon matin,
Quand on partait sur les chemins,
A bicyclette… »
en remplaçant « bicyclette » par « trottinette » ?
La rime serait respectée et nous serions raccord avec les développements les plus actuels de la « micro-mobilité citadine », à savoir les « « engins de déplacement personnel motorisés » – les EDPM (puisqu’on parle techno, faisons-le jusqu’au bout).
Mais imagine-ton Yves Montand aller à la rencontre de Marlyn Monroe sur une trottinette ? On était à un siècle où les trottinettes étaient aussi appelées patinettes et réservées aux gamins. Ce n’est pas parce qu’il avait envie de lui rouler un patin qu’Yves Montand devait y aller en trottinette. Marilyn aurait-elle eu envie de succomber à un gars qui avait piqué ce truc à son gosse ? Hors de question.
Autre temps, autres moteurs. Aujourd’hui, un rendez-vous à trottinette n’est pas ridicule, et même, au contraire, terriblement tendance. Une Marilyn 2019 en glousserait de plaisir sous ses tatouages et Yves ferait l’économie d’un bouquet de fleurs, non seulement parce que ça ne se fait plus, mais surtout parce qu’il ne pourrait pas tenir le guidon et le bouquet en même temps, sauf à risquer de se casser la gueule, et là ce serait la honte.
Reste tout de même un mystère. Pourquoi avoir gardé le mot « trottinette » ? Plus ringard tu meurs, et pourtant, même chez les cadres qui se déplacent là-dessus en costume croisé et mallette Hermès en bandoulière, on parle de trottinette. Est-ce un signe supplémentaire de l’infantilisation de notre époque, ou tout simplement un manque d’imagination ? Pourtant, pour d’autres EDPM, on a fait un effort : gyroroues, et, mieux encore : hoverboard.
Dans presque toutes les grandes métropoles du monde, les trottinettes ont déferlé aussi rapidement que les magasins Zara et l’Occitane en Provence, avec toutefois un petit bémol à New-York où leur utilisation n’a été autorisée que récemment. On nous explique que l’interdiction se justifiait pour des questions de sécurité. Mais était-ce la vraie raison ? N’y avait-il pas une réticence ontologique à accepter des « trottinettes », même électriques, dans les rues de Big Apple, tellement banchée high tech. Certes, là bas, on ne parle pas de « trottinette », mais de « pedal-assist e-bikes », mais avouez que même avec le « e » qui donne des gages à la modernité, l’expression est vraiment moche, et que ça pouvait justifier bien des oppositions.
En tout cas quelque chose est sûr. Malgré notre propension à utiliser des termes anglais pour tout et n’importe quoi, nous n’avons pas remplacé trottinette par « pedal-assis e-bikes ».
« Quand on partait de bon matin,
Quand on partait sur les chemins,
A trottinette…
»
Chauffe, Yves, chauffe !