Aucun discours politique n’y échappe. On nous annonce qu’il va être « décrypté ». Cela signifie donc qu’il a été transmis en langage codé puisque décrypter signifie : « traduire en langage clair un message chiffré dont on ignore la clé ». Tout journaliste devrait-il avoir en lui quelque chose d’Alan Turing ? Le micro, et le cas échéant ses neurones, remplaçant la fameuse machine qui permit au mathématicien et cryptologue britannique de déchiffrer pendant la guerre les messages cryptés des Allemands.
Les déclarations de nos hommes politiques sont-elles si mystérieuses qu’il faille recourir aux techniques du décodage ? Faut-il descendre jusque dans la crypte de leur cerveau pour y découvrir la clé de leurs pensées secrètes ? La réponse se cache-t-elle dans de tels abysses ? Pourtant, on ne cesse de nous parler de langue de bois et d’éléments de langage, qui sont exprimés dans une langue censée être comprise par le plus grand nombre, et donc forcément limitée aux 500 mots du langage courant, ce qui nous fait remonter d’un coup d’un seul à la surface des choses et même souvent au ras des pâquerettes.
Alors ? Il est où le mystère ? Si tout le monde peut comprendre, pourquoi décrypter ? Cela veut-il dire que derrière la façade polie du discours officiel se dissimulent des mensonges, et qu’il faut les dévoiler, les divulguer, les percer, voire les dénoncer, mais sans doute pas les « décrypter ». Ou alors, l’important réside-t-il dans ce qui n’est pas dit plutôt que dans ce qui est dit ? Dans ce cas, il faut interpréter, deviner, extrapoler, ou tout simplement commenter, mais pas décrypter. Enfin, si le sens semble un peu obscur parce que le locuteur s’est laissé aller au sabir cher à certains experts en expertise, on peut tenter
l’exégèse, analyser ou tout simplement simplifier et expliquer, mais toujours pas décrypter.