« Tais-toi ! »

(2 personnes. L'une est allongée, l'autre regarde devant elle)

1 – C’est trop beau ici.

2 – Magnifique

1 – La mer, les bateaux. Tu vois les bateaux ?

2 – Oui, je les vois, merci.

1 – Les oiseaux. Tu vois les oiseaux qui volent dans le ciel ?

2 – Les oiseaux, le ciel, oui je les vois très bien.

1 – Et le chien qui court sur la plage, tu le vois, là ?

2 – Je vois aussi, là, le chien qui court sur la plage.

1 – Il manque juste un truc.

2 – Oui, tu as raison, il manque un truc.

1 – Une bière ?

2 – Non, le silence.

1 – Hein ?

2 – Tais-toi !

Bien ?

(Trois filles. 1 essaie un vêtement.)

1 – Alors ?

2 (sans conviction) – C’est bien. (à 2) Hein ? C’est bien ?

3 (sans conviction non plus) – Oui, bien. 

1 – Sans plus ?

2 – Non, c’est bien.

3 – Oui, bien.

1 – Bien comment ? Bien bien ou seulement bien ?

2 – C’est bien.

3 – Oui, c’est bien.

1 (admettant qu’elles ne sont pas enthousiasmées) – Mais c’est pas bien bien

2 – Non, c’est pas bien bien.

3 – C’est bien.

1 – Alors c’est seulement bien.

2 – Oui, seulement bien.

3 – Mais bien quand même.

1 –« Bien quand même », c’est pas bien bien.

2 – C’était cher ?

1 – Oui bien cher.

3 – Bien cher ou bien bien cher ?

1 – Bien bien cher.

2 – Tu peux le changer ?

1 – Non, c’était en solde.

3 – C’est bien dommage.

Interrogatoire

(3 personnes. 2 est assis, et semble épuisé. 1 et 3 sont debout derrière lui.)

2 – Laissez-moi maintenant !

1 - On ne te laissera pas sans que tu nous dises la vérité !

2 – La vérité, je vous l’ai déjà dite.

3 – Il faut juste que tu comprennes qu’on ne te croit pas.

2 – Il faut me croire !

1 – Tu veux vraiment qu’on devienne méchant avec toi.

2 – Je veux seulement que… (il s’interrompt)

1 – Oui… tu veux seulement que quoi ?

2 – Je veux rentrer chez moi. Laissez-moi partir

3 – Si tu veux qu’on te laisse partir, il suffit que tu dises une phrase, une seule phrase

1 – Et que tu le veuilles ou non, cette phrase, tu finiras par la dire.

3 – Alors, dépêche-toi avant qu’on perde patience.

1 – Parce que notre patience a des limites.

3 – Un subjonctif, un petit subjonctif de rien du tout, pour éviter qu’on te fasse du mal.

2 – Vous n’avez pas le droit de me faire du mal !

1 – Nous avons tous les droits, c’est dommage que tu n’en sois pas convaincu.

3 – Oui… vraiment dommage, parce que je doute que tu saches exactement ce que tu risques.

1 – Allez ! Finissons-en ! 

2 - Je ne connais pas le subjonctif ! Je ne l’ai jamais vu ! Je ne l’ai jamais employé ! Je vis très bien sans le subjonctif !

1 – C’est faux ! Tu l’as employé, nous avons des preuves, des témoins ! 

2 – Les preuves sont fausses ! Les témoins ont menti ! Je n’emploie jamais le subjonctif et je ne paierai jamais votre taxe sur le subjonctif ! Je veux appeler un avocat.

1 – La seule personne qui puisse appeler un avocat, c’est nous ! Mais il faut que tu nous en fasses la demande.

2 – Je veux voir un avocat !

1 – Pardon ?

2 – Je veux que vous appeliez un avocat !

3 – C’est bon, il a avoué.



Coups

(Deux dames)

1 – Scandaleux !

2 – Quoi ? Qu’est-ce qui t’arrive ?

1 – Je suis encore sous le coup.

2 – Je vois, tu as l’air aux cent coups. Raconte.

1 – C’est encore ces petites racailles d’en face, toujours à l’affût d’un sale coup ou d’un coup bas.

2 – Ceux qui donnent des coups de pied dans les portes en pleine nuit.

1 - Pas seulement dans les portes !

2 – Je sais ! Je les vois souvent se frapper à coups de poing. Affreux.

1 – Tant que c’est entre eux, ils ne font de mal qu’à eux-mêmes.

2 – Ne me dis pas que…

1 – Si ! Sur les coups de six heures, juste au moment où je jetais un coup d’œil par la fenêtre. Ils étaient tous à l’arrêt de bus, complètement excités et tout d’un coup, c’est comme s’ils étaient pris d’un coup de folie, ils se sont jetés sur le petit Lefèvre et ils l’ont roué de coups !

2 – C’est pas possible ! Le petit Lefèvre, celui à qui j’ai donné un coup de pouce pour son inscription au lycée, et qui m’avait donné un coup de main pour vider ma cave…

1 – Oui ! Lui ! Celui qui était venu pour m’apporter la crème de sa mère le jour où j’avais pris ce terrible coup de soleil.

2 – Mon dieu ! Le pauvre chéri !

1 – Sur le coup, personne n’a réagi, et du coup, moi, j’y suis allée !

2 – Toi ! Mais tu aurais pu prendre un mauvais coup !

1 – Je n’ai pas réfléchi : ça m’a tellement choquée !  J’ai pris un coup de sang, et coup de chance : Monsieur Dumont était dans le bus.

2 – Monsieur Dumont, le rugbyman du rez-de-chaussée ? Celui qui m’avait invitée au ciné l’année dernière et qui m’avait fait le coup de la panne en rentrant ? Comme si c’était un coup du sort et que j’avais pas vu venir le coup.

1 – Tu ne m’en avais jamais parlé.

2 – Inutile, c’était pas un bon coup. Dis-moi plutôt comment ça s’est fini avec ces racailles.

1 – M. Dumont est descendu du bus. Il en a attrapé un par le cou et d’un seul coup d’un seul, il lui a mis un coup de tête. Du coup, ça a calmé les autres. Eux qui menacent de rendre coup pour coup, ils se sont tous volatilisés. D’un seul coup, il n’y avait plus personne, sauf le petit Lefèvre. Pour le coup, il était un peu groggy.

2 – Eh ben dis donc. Quelle histoire ! Ça vaudrait le coup de passer un coup de téléphone à la police, non ?

1 - La police ! La plupart de ces voyous sont déjà sous le coup de mandats d’arrêt, et ils sont toujours là à nous narguer. Moi, je dis que la police, elle est dans le coup.

2 – Vraiment ? Tu crois qu’il y a un coup fourré ?

1 – Je dis ça, je dis rien. Deux fois embarqués coup sur coup dans la même journée, deux fois libérés. C’est pas un coup de chance, ni un coup de baguette magique. Ils font des bêtises, ils devraient en payer le coût et puis c’est tout.

2 – Je suis bien d’accord avec toi. Il faudrait frapper un grand coup.

1 - Du même coup, on aurait la paix. Malheureusement les flics, ils disent qu’ils sont sur le coup, mais ils préfèrent aller boire des coups plutôt que de tordre le cou aux voyous.

2 – Et le petit Lefèvre, il tient le coup ?

1 – Oui, ça va. En tout cas, il peut remercier M. Dumont. Ça prouve qu’on peut compter sur lui en cas de coup dur. Mais ça m’a coupé les jambes c’t’histoire. J’ai un coup de barre, là.

2 – Allez, viens boire un coup. Ça nous donnera un coup de fouet à toutes les deux. Moi, j’ai eu une journée terrible et j’ai un coup de pompe.

1 – Dis donc, tu fais tes coups en douce, toi. 

2 – Pourquoi tu dis ça ?

1 – Dumont, le coup de la panne. Il voulait te mettre la corde au cou, ou quoi ?

2 – Non, juste tenter le coup, je pense.

1 – Toi aussi, non ?

2 – C’est lui qui m’avait invitée. Ce soir-là, j’avais un coup de blues et pour le coup, j’ai accepté, sans plus.

1 – Tu es allée au ciné avec lui, sur un coup de tête, c’est ça ?

2 – N’insiste pas, C’était un coup pour rien, j’te dis. J’ai même pas passé la nuit chez lui. Je suis partie en coup de vent. Ça valait vraiment pas le coup.

1 – Oui, mais si j’avais été avec vous, on aurait pu faire coup double.