« Tout et n’importe quoi », n’aboutit à rien d’autre que d’élargir l’éventail des possibilités des « n’importe quoi », si tant est que « tout » n’est pas déjà dans « n’importe quoi ». Idem avec « vraiment n’importe quoi », car là non plus, on n’est guère avancé, sauf à penser qu’en adjoignant « vraiment » à « n’importe quoi », on voudrait dire a contrario que « n’importe quoi » employé sans « vraiment » serait un modèle réduit du « n’importe quoi » employé seul. Et dans ce cas-là « n’importe quoi » ne serait plus n’importe quoi ! Pour la même raison, gonfler la formule pour en faire « un grand (ou « du grand ») n’importe quoi » n’apporte rien, et n’a même pas l’avantage de l’opposer à un éventuel « petit n’importe quoi », puisque cette expression est inconnue au bataillon. Dans tous les cas, inutile de vouloir en rajouter puisque, par nature « n’importe quoi » recouvre à lui seul un nombre infini de possibilités, lesquelles sont en outre marquées d’une connotation qui n’existe pas avec ses cousins « n’importe où » et « n’importe quand ».
Alors que « n’importe où » et « n’importe quand » se contentent de suggérer des lieux et des moments se bornant à une notion d’incertitude, « n’importe quoi » contient un jugement de valeur, et le rapproche de « n’importe comment ». Avec « n’importe quoi » et « n’importe comment », on ne pense pas seulement à ce dont il peut s’agir, et à comment ça s’est passé, on y attache le ton de la réprobation, voire du mépris. Untel peut se trouver n’importe où et en revenir n’importe quand, ce sont de simples suppositions – bof, voilà quoi ; mais si on suppose qu’il y fait n’importe quoi - et peut-être aussi n’importe comment - ça ce n’est pas bien ! Pas bien du tout.
Peut-on remplacer « c’est n’importe quoi » par une expression équivalente ? « Quoi que ce soit » est trop policé, trop lissé : pas de désapprobation dans « quoi que ce soit ». Indifférence totale. « Quelque chose » est, lui, vraiment riquiqui car il renvoie à une seule chose, et s’il y a un sous-entendu là-dedans, c’est celui du mystère ou de l’agacement. Ce « "quelque-chose », on ne souhaite pas le dévoiler, alors que « n’importe quoi » ce sont des possibilités multiples qui entraînent une critique définitive. « C’est le bordel » ou « un vrai bordel » serait le plus approchant, pour peu que l’on renonce au policé et au lissé, mais on n’y est pas tout à fait car dans ce bordel-là la notion de désordre prime sur celle de reproche, même si elle y est associée de très près, devant ou derrière, de toute façon c’est le bordel. « C’est nul » est sans doute l’équivalent le plus adéquat, mêlant l’approximation globale et la condamnation sans appel.
Il en dit quoi, le dictionnaire, de « n’importe quoi » ? Version platement descriptive : « Un objet ou une idée dont la précision importe peu et que l’on peut choisir librement. Quelque chose de n’importe quelle sorte ». Version plus riche : « Ce qui n’a pas beaucoup de sens, qui est absurde, stupide, insensé, incompréhensible, futile, incongru ». Tous ces adjectifs, vraiment ? Mais oui, et d’autres encore qui ont l’avantage de renfermer la connotation négative de « n’importe quoi » et surtout d’exprimer une opinion argumentée et nuancée. Sinon « n’importe quoi » reste n’importe quoi, autrement dit… pas grand-chose.